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je vais du premier coup d’œil le progrès de l’une à l’autre par degrés conjoints ; mais, pour m’assurer chez vous de cette tirade, il faut nécessairement que j’épelle tous vos chiffres l’un après l’autre ; le coup d’œil ne peut suppléer à rien. L’objection me parut sans réplique & j’en convins à l’instant : quoiqu’elle soit simple & frappante, il n’y a qu’une grande pratique de l’art qui puisse la suggérer & il n’est pas étonnant qu’elle ne soit venue à aucun académicien ; mais il l’est que tous ces grands savants, qui savent tant de choses, sachent si peu, que chacun ne devroit juger que de son métier.

Mes fréquentes visites à mes commissaires & à d’autres académiciens me mirent à portée de faire connoissance avec tout ce qu’il y avoit à Paris de plus distingué dans la littérature & par là cette connoissance se trouva toute faite lorsque je me vis dans la suite inscrit tout d’un coup parmi eux. Quant à présent, concentré dans mon système de musique, je m’obstinai à vouloir par là faire une révolution dans cet art & parvenir de la sorte à une célébrité qui, dans les beaux-arts, se joint toujours à Paris avec la fortune. Je m’enfermai dans ma chambre & travaillai deux ou trois mais avec une ardeur inexprimable à refondre, dans un ouvrage destiné pour le public, le Mémoire que j’avois lu à l’Académie. La difficulté fut de trouver un libraire qui voulût se charger de mon manuscrit, vu qu’il y avoit quelque dépense à faire pour les nouveaux caractères, que les libraires ne jettent pas leurs écus à la tête des débutans & qu’il me sembloit cependant bien juste que mon ouvrage me rendît le pain que j’avois mangé en l’écrivant.