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retiré, bon & sage vieillard & Ancelet*

[*Ce fut à ce M. Ancelet que je donnai une petite comédie de ma façon, intitulée les Prisonniers de Guerre, que j’avois faite après les désastres des Francois en Bavière & en Bohême & que je n’osai jamais avouer ni monter & cela par le singulière raison que jamais le Roi, ni la France, ni les François ne surent peut-être mieux loués ni de meilleur cœur que dans cette pièce & que, Républicain & frondeur en titre, je n’osois m’avouer panégyriste d’une nation dont toutes les maximes étoient contraires aux miennes. Plus navré des malheurs de la France que les François mêmes, j’avois peur qu’on ne taxât de flatterie & de lâcheté, les marques d’un sincère attachement dont j’ai dit l’époque & la cause dans ma premiere partie & que j’étois honteux de montrer.] officier des mousquetaires, y maintenoient un certain ordre parmi ces jeunes gens. Il y venoit aussi des commerçants, des financiers, des ouvriers, mais polis, honnêtes & de ceux qu’on distinguoit dans leur métier. M. de Besse, M. de Forcade & d’autres dont j’ai oublié les noms. Enfin l’on y voyoit des gens de mise de tous les états, excepté des abbés & des gens de robe, que je n’y ai jamais vus ; & c’étoit une convention de n’y en point introduire. Cette table assez nombreuse, étoit très gaie sans être bruyante & l’on y polissonnoit beaucoup sans grossièreté. Le vieux commandeur avec tous ses contes gras quant à la substance, ne perdoit jamais sa politesse de la vieille Cour, & jamais un mot de gueule ne sortoit de sa bouche qui ne fût si plaisant que des femmes l’auroient pardonné. Son ton servoit de règle à toute la table : tous ces jeunes gens contoient leurs aventures galantes avec autant de licence que de grâce : & les contes de filles manquoient d’autant moins que le magasin étoit à la porte ; car l’allée par où l’on alloit chez Mde. la Selle étoit la même où donnoit la boutique de la Duchapt, célèbre