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les deux dernières carrieres, des honneurs & de la fortune, pour vous borner à la littérature & aux talens, nommément à celui de la poésie & de la musique, qui sont en effet les plus brillans, & dans lesquels vous vous étiez exercé avant votre arrivée à Paris. Vous me parlâtes même d’un opéra dont la poésie & la musique étoient de votre façon. Il me convenoit d’en désapprouver le projet & le sujet. Votre goût de musique étoit assez françois, mais vos vers sentoient un peu trop la province, & la province étrangère. D’autres vous en firent appercevoir les défauts, soit du vers, soit de la langue & de la rime même ; & peu-à-peu vous prîtes le ton d’une musique, sinon Italienne, du moins un peu plus recherchée & travaillée, à l’école de Mondonville, de le Clerc, & surtout de Rameau, pour qui j’aurois voulu vous inspirer un peu plus de reconnoissance & de respect. Car les talens doivent se respecter, & les leurs sont plus connus que les vôtres.

Mais vous êtes né vous-même, & votre génie autant que votre naissance & votre éducation, sous le beau nom de philosophie, vous ont rendu indépendant de tout ce que vous appellez formalités & vices de société. Je vous perdis de vue dès que vous voulûtes jouer le rôle de mécontent de la fortune & de vos amis. Je ne vous revis qu’un moment à votre retour de Venise, & vous ne reparûtes sur la scene qu’à votre discours couronné à Dijon contre les lettres, les sciences & les arts. Je pris tout cela pour un discours de parade & un paradoxe ingénieux, assez bien écrit même, & d’un goût & d’un ton assez françois.

Votre discours sur ou contre la musique, il y a deux ans,