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brutalité, ou nous le propose encore comme un modele héroïque ; pour moi je ne saurois admirer Scipion, à moins que je ne méprise son siecle : une action dont le contraire seroit : un crime n’a pu paroître merveilleuse que parmi des mœurs : barbares ; c’étoit un héroïsme alors, aujourd’hui nous, n’y voyons qu’un procédé.

Parce que nous avons des milliers de personnes de l’un & de l’autre sexe qui se consacrent volontairement à une chasteté surnaturelle, & qui se sont ôté jusqu’aux moyens de manquer à leur ferment, on en conclut que la chasteté est devenue parmi nous une vertu basse, monacale & ridicule ; mais ceux qui s’y dévouent ne sont-ils plus partie de notre nation ? La religion qui conseille ces sacrifices, les loix qui les autorisent, ne sont-elles pas partie de nos mœurs ? Cette dissolution audacieuse qu’on : nous reproche, & que je suis bien éloigné de défendre, a-t-elle donc gagné tous les ordres de l’Etat ? N’est-il pas évident, au contraire, qu’elle n’existe que dans une petite portion de la société ? Doit-on flétrir la nation entiere pour la corruption de quelques-uns de ses membres ? Il y a plus ; si je considere la totalité du genre-humain, je vois des peuples chez qui les femmes sont communes ; une foule d’autres qui en rassemblent pour leurs plaisirs autant qu’ils peuvent en nourrir ; le divorce permis dans toute l’antiquité parmi ces nations qu’on admire tant : l’union indissoluble de deux : personnes est le plus haut point de la perfection naturelle, nous l’avons adoptée nous faisons partie du très-petit nombre de peuples qui ont mis cette haute perfection dans leurs loix ; elle n’est pas sans doute au même degré dans nos mœurs ;