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éloquent, que lorsqu’il parle dans ses ouvrages de ses bienfaiteurs. Il seroit à souhaiter que sa conduite, à cet égard, eût toujours été conforme à ses écrits : or en mettant à part ses procédés à l’égard de mylord Maréchal, tout le monde sait, par malheur, à quel point le philosophe Genevois a manqué de reconnnoissance pour le sage & vertueux M. Hume.”

Oh ! que non, Monsieur, tout le monde ne sait pas que M. Rousseau ait manqué de reconnossiance pour M. Hume, ni que M. Hume ait été sage & vertueux. Beaucoup de gens peuvent le savoir, ou du moins le croire, à Paris, où M. d’Alembert s’est enroué à le dire : mais à Londres, où sa maligne influence domine un peu moins, tout le monde ne le sait pas. Je vais, pour vous consoler du malheur que vous déplorez, vous raconter une petite anecdote qui vous convaincra qu’il n’est qu’imaginaire. Un homme de beaucoup de mérite, actuellement attaché à M. le Chevalier de Luxembourg, fut à Spa, au moment où la querelle suscitée à M. Hume par M. Rousseau faisoit la plus forte sensation. Cet homme qui, sans vouloir prendre parti, étoit pourtant bien aise de savoir à quoi s’en tenir sur le compte de deux personnages si célebres, accosta deux Anglois qu’il trouva dans un lieu public ; & après s’être assuré qu’ils faisoient leur résidence ordinaire à Londres, il leur demanda ce qu’ils pensoient de M. Hume, & de J. J. Rousseau, dont la rupture étoit le sujet de l’entretien de tous les cercles. L’un des Anglois ôta sa pipe de sa bouche (car il fumoit), & répondit gravement, HUME ? IL EST UN... *

[*La délicatesse Françoise ne me permet pas de rapporter l’énergique épithete que l’Anglois se permit d’employer.]