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lettres particulieres, toutes écrites de sa main, & adressées à différentes personnes, dans les plus cruelles circonstances où il se soit trouvé ; il n’y a pas une de ces lettres qui ne porte l’empreinte de l’ame de leur auteur ; pas une qui ne respire la sensibilité, la candeur, le désintéressement, la bonté, l’indulgence ; pas une, qui ne soit de tout point conforme aux excellens principes de morale qu’il établit dans ses ouvrages, sur lesquels il n’a jamais varié, & sur-tout, qu’il n’a jamais démentis par sa conduite. Enfin la droiture de Jean-Jaques m’est si démontrée, que je suis obligée de la soutenir, & contre l’impudence qui l’attaque ouvertement, & contre la lâcheté qui cherche à la rendre suspecte ; puisque mon coupable silence me rendroit complice de la plus exécrable noirceur, que la méchanceté philosophique se soit jamais permise. À la vérité je n’espere pas de détromper ses accusateurs : ce n’est pas parce qu’on se trompe, que l’on fait une emphatique apologie de Séneque, & un infâme libelle contre Jean-Jaques ; c’est parce qu’on a des desseins, au succès desquels on est déterminé à tout sacrifier. Mais je croirai mes efforts assez récompensés, si je préserve une seule personne honnête, du malheur de refuser au plus vrai, & au meilleur des hommes, le tribut de respect, & d’admiration qui lui est dû.

À présent que j’ai rempli de mon mieux, l’honorable tâche que mon amour pour la justice, & ma vénération pour J. J. Rousseau m’imposoient, souffrez, Monsieur, que je me plaigne à vous, du tort involontaire, mais irréparable qu’il m’a fait. La lecture de ses ouvrages a tellement obstrué mon intelligence,