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de l’approbation de tous les gens de bien. Mais, permettez-moi de vous le dire, vous auriez dû, ce me semble, mettre votre nom à la tête de votre ouvrage. Pourquoi garder l’anonyme ? Cette réserve peut être différemment interprétée : les partisans de Jean-Jaques l’attribueront à la modestie ; & ses antagonistes à la timidité : car, comment pourroient-ils concevoir qu’on eût le courage de bien faire ? Vous ne deviez pas vous exposer à la diversité de ces jugemens. D’ailleurs, si vous êtes connu, votre réputation est bonne ; j’en ai pour garant l’honorable rôle dont vous vous êtes chargé : elle auroit donc ajouté son propre poids à celui de vos raisons. Si vous êtes ignore, vous ne pouviez attendre du tems une occasion plus favorable pour vous faire connoître ; en la saisissant vous auriez partagé avec Jean-Jaques, l’estime que ses plus cruels ennemis ne peuvent lui refuser, & qui me paroît si bien prouvée par le dédain dont ils affectent de l’accabler. Peut-être aussi, ne vous souciez-vous pas d’attirer, même à ce prix, les regards du public : j’en serois d’autant moins surprise, qu’à la beauté de votre procédé, je ne vous crois pas homme de lettres. Mais, si vous l’êtes, Monsieur, de grace nommez-vous ; & pour que nous connoissions deux hommes capables de suivre cette carriere, sans s’occuper ni à détruire à force ouverte, ni à miner sourdement, l’honneur & la tranquillité de leurs concurrens ; & pour adoucir l’amertume dont Jean-Jaques doit être pénétré, en voyant une profession qu’il honore, si généralement déshonorée. Car ne vous y trompez pas votre ouvrage est déjà arrivé jusqu’à lui, ou y arrivera, malgré l’épaisseur des filets dont il est environné : l’amitié,