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maxime, que la Rochefoucaut en l’écrivant, semble avoir apperçu dans l’avenir le célebre citoyen de Geneve.

Rien ne donne lieu à plus de réflexion que la vérité que je viens de présenter. En effet au milieu des mouvemens divers de la société, les sensations se perdent ou s’effacent. Ce n’est vraiment que dans le silence, dans cette conversation intérieure, lorsque le trouble des objets du dehors cesse, que l’homme fonde son ame dans toute sa profondeur, & qu’il élevé son esprit à toute la hauteur dont il est susceptible. Alors dans une pleine paix il goûte les vrais délices de la pensée ; il s’instruit, & il doute ; il devient meilleur, plus éclairé, & il apprend tout à la fois à être modeste. C’est-là sur-tout qu’il peut écouter la voix de Dieu au fond de son cœur, & qu’aussi-tôt la chaleur de ce sentiment intime lui en fait naître l’amour. C’est-là que comme Pythagore, il entend, sans trop d’illusion, l’harmonie de tous les corps célestes ; que descendant de-là sur la terre, il voit tous les êtres végétans, animés & sensibles, unis à son être par quelque rapport, rouler dans le tems & l’espace avec lui, & que considérant enfin son espece, il voit l’humanité entiere rangée autour de ses regards ; cette humanité si touchante dans les enfans, si sublime, si agissante dans l’âge mûr, si respectable & si instructive dans les vieillards. Par-tout ailleurs les objets étrangers s’emparent plus ou moins de son ame & de son esprit. Dans l’étude, dans les écoles, dans le commerce, les facultés peuvent se développer & les lumieres s’accroître ; mais pour bien connoître & pour sentir fortement, il faut toujours rentrer en soi-même, & y considérer les objets à fond & sous toutes