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de chose à desirer sur ce point pour sa défense. Aussi ses timides ennemis en ce qui concerne son personnel, ont-ils gardé pendant qu’il a vécu, le silence avec lui, parce qu’ils avoient à craindre la rectitude de ses actions, que le poids de ses paroles. Je ne crois donc pas me montrer préoccupé, en jugeant que le fond de cette vie ne peut être démenti ; que son juste renom est au contraire glorieusement confirmé par ces mémoires posthumes où Rousseau cependant est accusé d’avoir

attaqué ses propres bienfaiteurs & ses amis. Sans doute il a jugé ces derniers avec la même vérité qu’il s’est jugé lui-même. Victime malheureuse & pendant long-tems de bien des sortes de haines, il s’étoit vu forcé, pour acquérir la paix, de se vouer absolument au silence & même à l’inaction. Il l’a rompu enfin ce silence dans un ouvrage qui n’est point adressé précisément aux hommes, mais que tout indique avoir été fait en vue seulement de l’Etre éternel, pour l’appaisement des chagrins de son ame si cruellement méconnue, & pour sa propre conscience. Malheur, à mon avis, à ceux que cet ouvrage peut blesser ! L’homme qui s’y dénonce lui-même avec

tant de rigueur, avoir peut-être aussi le droit d’y articuler ses griefs contre des tiers, lorsque les faits de leur vie se trouvoient nécessairement liés à la manifestation de l’innocence la sienne. Malheur à eux encore, car si le droit de citation dont je viens de parler peut être contesté, la foi due à un pareil écrit, ne le sera certainement jamais.

Rousseau a passé, je le sais, pour un homme singulier, bisarre, même jusqu’à l’inconséquence. L’extrême sagesse aura toujours le coup-d’œil de la singularité ; elle sera même politiquement