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avec passion ; mais je crois en même tems qu’il a aimé avec plus d’ardeur encore la vertu ; que non-seulement il en donné les leçons les plus pures, mais qu’il les a rigidement pratiquées pour lui-même, si l’on en excepte quelques écarts nécessairement inséparables de notre nature. Nul homme, si l’on veut, n’a eu plus d’orgueil ; mais cet orgueil si mal jugé n’a été en lui que ce noble sentiment de soi que les hommes médiocres ne connoissent même pas, & qui n’est à juste titre l’appanage que de la véritable grandeur. Nul homme en même tems, n’a montré plus de vraie modestie, n’a chéri davantage la simplicité, l’oubli des hommes dans sa vie privée ; n’ a’supporté plus réellement la pauvreté, jusqu’à refuser, dans l’esprit d’une noble indépendance, les offres qui l’assiégerent de toutes parts, les offres des hommes les plus puissans, les offres même des rois. Quel autre écrivain encore a moins recherché & les honneurs & tous les faux biens de la vie ? Quel autre a moins défendu ses écrits, a moins censuré ceux d’autrui, & s’est abstenu plus constamment de tremper jamais sa plume du fiel de la satire ? Il est facile de voir qu’il n’a jamais songé à défendre que sa personne & ses actions ; encore quand il l’a fait, sans toutefois vouloir juger ici du mérite du fond de sa défense, ni prétendre approuver la hauteur & le ton tranchant de son style dans quelques occurrences, c’a été du moins avec cette publicité, cette légalité, pour ainsi dire, que l’on apporte dans les tribunaux. Controversiste autant & plus habile qu’aucun homme de son siecle, il n’a écrit, lorsqu’il a été question de lui, que pour maintenir sa probité & son honneur ; & alors la force de ses raisons a laissé peu