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du bonheur des hommes ; & l’on peut ajouter, d’après une consécration particuliere & formelle de son génie attestée par tous ses ouvrages, qu’il a été éminemment celui de la vertu qu’il a fait briller jusques dans le sein des passions, & même de leurs foiblesses, en les peignant en homme qui en a senti toute la force sans en avoir jamais éprouvé la corruption. Heureux si des lumieres puisées dans des sources encore plus pures, l’avoient rendu le défenseur en tout point d’une religion divine dont il a si bien connu, représenté & fait cherir la morale !

C’est sous ces traits que je me représente ses qualités & son mérite d’Auteur : je vais jetter un coup-d’œil sur le caractere de sa personne, & sur sa vie.

La vie de Rousseau a été semée de beaucoup de tribulations. Nul homme n’a produit de grandes choses sans essuyer de grands combats ; les persécutions sont même communément en proportion de la supériorité des lumieres & de la grandeur des services. Cette fatalité, vrai sujet de réflexion, forme un grand grief contre l’humanité.

La discussion du premier point est hors de mon sujet ; elle ne m’appartient pas. D’ailleurs Rousseau s’est défendu lui-même, & sans juger du fond de sa défense, on ne peut disconvenir, qu’il a du moins convaincu de l’innocence de ses intentions. Peut-être même ne seroit-il pas impossible de trouver des raisons plausibles qui mettroient l’Auteur à l’abri de tout jugement personnel qui pourroit lui être fâcheux, sans blesser pour cela le respect dû à tous les actes publics de justice. En effet, quelque indulgence que mérite un homme vrai & de bonne