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Dès que les hommes dans ce second état, véritable fin d’un être doué de raison, sont égaux dans tout ce qui est du droit naturel, toute égalité essentielle, la seule importante, la seule d’une nécessité absolue, se trouve conservée. L’inégalité des rangs fait bien peu au bonheur intrinséque des humains ; elle n’est uniquement que l’allure de l’organisation sociale, une forme extérieure réglée par la nécessité, vu qu’elle est fondée sur cette inégalité primitive qui existe invinciblement entre les individus, au point que dans une bonne police elle ne

doit même faire autre chose qu’en dériver, imitant en cela fidellement son premier type, qui est la nature de l’homme.

Ce n’est pas tout, & il y a quelque chose de plus encore à considérer : qui sait si dans ce partage, ou plutôt dans cette différence de situation, cette nature tutélaire, tant que ses loix ne sont pas blessées, ne laisse pas, en bonne mere, au moins autant de latitude à la véritable félicité dans les rangs inférieurs que dans les conditions dominantes ? L’expérience a décidé plus d’une fois cette question intéressante. Sous cet aspect essentiel, l’inégalité des conditions n’est donc qu’un vain mot : dès-là que la constitution politique est saine ; dès-là que les droits de l’homme sur ses biens, sur sa personne, sur ses opinions sont réglés sur cette justice universelle, tout est égal quant au droit : l’inégalité de fait, d’ailleurs démontrée indispensable, n’est plus comptée pour rien ; elle est même, aux yeux de la raison, à bien des égards, la gardienne de l’autre.

Si nous suivons à présent Rousseau dans ses autres productions, nous les trouverons toutes conséquentes au même systême.