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objets de nos sciences ; l’Ecriture même nous disant que la terre est pleine de la science de Dieu ; un vrai savant voit en effet Dieu par-tout, & est par-tout invité à le connoître, tantôt à l’aimer, tantôt à l’adorer. Dieu le tient toujours en respect.

Le demi-savant ne fait qu’entrevoir Dieu par-tout, assez pour le craindre, l’éviter, le fuir. Il en voit par-tout le principe, par-tout il en élude la conséquence. De toutes les questions il étudie l’objection jusqu’à la réponse exclusivement. Comme Dieu est absolument sous le voile, dans le nuage, là où commence la science de Dieu, là finit la science du demi-savant.

Je suis trop vrai pour ne pas dire ce que j’en pense, tout ce que j’en sais, tout ce que l’usage & l’expérience m’en ont appris. La science est aujourd’hui trop répandue, trop facile & à trop grand marché. Elle est trop à la portée de bien des têtes qui n’ont pas la force de la porter. Une épée est une bonne chose, mais trop de gens la portent peut-être. Ce une arme : les Romains ne la portoient qu’en guerre. Aux guerres civiles tout le monde la porta. La guerre civile regne dans les sciences, depuis qu’on les rend si populaires.

Je suis payé pour vanter les Journaux, les Dictionnaires, les manieres de faciliter les sciences & de les mettre à la portée de tout le monde. J’ai été trente ans journaliste. J’ai mis les mathématiques en une espece de dictionnaire, & ma fantaisie a toujours été de tout faciliter, arts, science & littérature. J’ai cru par-là faire la guerre à la demi-science & rendre tout le monde pleinement savant. Pour un savant que j’ai fait,