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M. R. ne veut pas voir les hommes tels qu’ils se sont faits. Et comment donc veut-il les deviner si ce n’est par leurs œuvres, & par les œuvres les plus immédiates & les plus caractéristiques ? Le bon sens, comme l’Evangile nous invite à connoître l’arbre par le fruit, & l’homme d’hier par l’homme d’aujourd’hui, l’homme invisible par l’homme visible, & qui frappe & affecte intimement tous nos sens intérieurs & extérieurs. M. R. s’enfonce, je dirois presque s’embourbe dans ce que l’homme animal a de plus grossier. Encore jugeroit-on assez bien de l’homme par les sentimens. C’est même la pierre de touche & l’étiquette du jour. Notre siecle, en cela sort délicat & fort éclairé, n’apprécie désormais les hommes que par les sentimens. Mais M. R. nous ramene en premiere & je le crains en derniere instance aux sensations, les plus antérieures à l’intelligence & à la raison.

Son projet, son plan est formé, décidé, arrêté de juger de l’homme par le physique en excluant le moral, par l’animal & nullement par le raisonnable. Ce qui est si vrai, que par la sensibilité grossiere où il nous remonte, s’il ne nous dégrade, il prétend bien que nous tenons aux purs animaux, autant au moins qu’aux hommes ; de sorte que la loi de ne faire aucun mal à son prochain, & de lui faire du bien, regarde, selon lui, autant la bête que l’homme, & que la bête est autant que l’homme, notre prochain. L’Auteur le dit en propres termes à la fin de la page 43. Je ne puis gagner sur moi d’en copier les paroles.

Permettez -moi, M. R. de vous adresser la parole comme Dieu l’adressoit à Job en une circonstance qui a un air de celle-ci.