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Dorante.

Quoi ! belle Sophie ? pouvez-vous ?….

Sophie.

Réservez, je vous en prie, la familiarité de ces expressions pour la belle Claire, & sachez que Sophie telle qu’elle est ; belle ou laide, se soucie d’autant moins de l’être à vos yeux, qu’elle vous croit aussi mauvais juge de la beauté que du mérite.

Dorante.

Le rang que vous tenez dans mon estime & dans mon cœur est une preuve du contraire. Quoi ! vous m’avez cru amoureux de la fille de Macker ?

Sophie.

Non en vérité. Je ne vous fais pas l’honneur de vous croire un cœur fait pour aimer. Vous êtes comme tous les jeunes gens de votre pays, un homme fort convaincu de ses perfections, qui se croit destiné à tromper les femmes, & jouant l’amour auprès d’elles, mais qui n’est pas capable d’en ressentir.

Dorante.

Ah ! se peut-il que vous me confondiez dans cet ordre d’amans, sans sentimens & sans délicatesse, pour quelques vains badinages qui prouvent eux-mêmes que mon cœur n’y a point de part, & qu’il étoit à vous tout entier.

Sophie.

La preuve me paroît singuliere. Je serois curieuse d’apprendre