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SCENE II.

Dorante.

Quel coup ma flamme ! c’en est donc fait, trop aimable Sophie, il faut vous perdre pour jamais, & vous allez d’un riche, mais ridicule & groffier vieillard. Hélas ! sans m’en avoir encore fait l’aveu tout commençoit à m’annoncer de votre part le plus tendre retour ! non, quoique les injustes préjugés de son pere contre les François dussent être un obstacle invincible à mon bonheur, il ne falloit pas moins qu’un pareil événement pour assurer la sincérité des vœux que je fais pour retourner promptement en France : les ardens témoignages que j’en donne ne sont-ils point plutôt les efforts d’un esprit qui s’excite par la considération de son devoir, que les effets d’un zele assez sincere ! mais que dis-je, ah ! que la gloire n’en murmure point, de si beaux feux ne sont pas faits pour lui nuire : un cœur n’est jamais assez amoureux, il ne fait pas, du moins, assez de cas de l’estime de sa maîtresse, quand il balance à lui préférer son devoir, son pays, & son Roi.