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sur des choses qui ne sont point du tout louables.

Pourquoi, s’il vous plaît, faites-vous dire à Fabricius, que le seul talent digne de Rome est de conquérir la terre, puisque les conquêtes des Romains, & les conquêtes en général sont des crimes, & que vous blâmez si fortement ces crimes dans votre plan ridicule d’une paix perpétuelle. Il n’y a certainement pas de vertu a conquérir la terre. Pourquoi, s’il vous plaît, faites-vous dire à Curius, comme une maxime respectable, qu’il aimoit mieux commander à ceux qui avoient de l’or, que d’avoir de l’or ? C’est une chose en elle-même indifférent d’avoir de l’or ; mais c’est un crime de vouloir, comme Curius, commander injustement à ceux qui en ont. Vous n’avez pas senti tout cela, docteur Pansophe, parce que vous aimez mieux faire de bonne prose que de bons raisonnemens. Repentez-vous de cette mauvaise morale, & apprenez la logique.

Mon ami Jean-Jaques, ayez de la bonne foi. Vous qui attaquez ma religion, dites-moi, je vous prie, quelle est la votre ? Vous vous donnez avec votre modestie ordinaire, pour le restaurateur du christianisme en Europe ; vous dites que la religion décréditée en tout lieu avoit perdu son ascendant jusques sur le peuple, &c. Vous avez en effet décrié les miracles de Jésus, comme l’abbé de Prades, pour relever le crédit de la religion. Vous avez dit que l’on ne pouvoit s’empêcher de croire l’Evangile de Jésus, parce qu’il étoit incroyable : ainsi Tertullien disoit hardiment, qu’il étoit sûr que le Fils de Dieu étoit mort, parce que cela étoit impossible : Mortuus est Dei Filius ; hoc certum est quia impossibile. Ainsi par un raisonnement similaire, un géometre pourroit dire, qu’il est