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zele est fort louable & le seroit bien davantage si les secours qu’il répand sur eux, étoient plus puissans & plus considérables ; mais sachez que ce ne sont tout au plus que les brouillards qui s’élevent au-dessus de ce fleuve précieux.

Apprenez que la maladie de Voltaire n’est pas tout-à-fait celle de J. J. Rousseau ; celui-ci n’a que la folie en partage, encore n’est-elle point dangereuse aux liens de la société ; mais son confrere que l’orgueil, l’avarice & l’ambition ne quitterent jamais, est encore outre cela attaqué de la maladie de la pierre. Son château de F... n’est pas assez vaste pour un si grand homme ; ses enfans ni ses héritiers collatéraux n’en jouiront pas : peut-il se promettre de l’occuper encore long-tems ? Ah ! s’il avoit non pas une ame bienfaisante, mais seulement équitable, il retrancheroit bientôt l’ostentatieuse dépense qu’il fait, pour la métamorphoser en abondantes restitutions envers Jore, Mesdemoiselles Dunoyer & tant d’autres malheureux qu’il a faits en s’enrichissant à leurs dépens. Que dites-vous de cette ame là, est elle double ou simple ? je vous en fais le juge, mais le public fait à quoi s’en tenir.

Je vais répéter avec vous, mais où m’emporte un zele indiscret qu’enflamment à l’envi le saint amour de la vérité, & l’agréable desir de la faire connoître ! Quant aux différends entre M. Hume & J. J. Rousseau, je crois que vous & moi nous avons suffisamment démontré que le philosophe Anglois a donné trop d’éclat à ses bienfaits, & qu’il’a cédé trop facilement aux impulsions de l’amour -propre, & qu’il a laissé trop de liberté à un esprit dur, insensible, trop intéressé, qui ne croit pas que l’on doive avoir compassion des esprits égarés :