Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/551

Cette page n’a pas encore été corrigée

des pages entieres pour relever avec aigreur des railleries qui sont de toutes les sociétés ! par exemple celle qui fut faite sur la préférence que le Genevois donna à Madame Garrick plutôt qu’au Musœum, n’étoit pas un outrage assez grave pour mériter de s’en ressouvenir.

Il n’y a pas un homme sensé qui n’envisage l’auteur d’Heloise comme un esprit égaré, quand il commente & interprête les paroles de M. Hume, qui, soit en dormant ou en veillant, s’écrie, je tiens J. J. Rousseau : est-il plus sage quand il parle des regards longs & des profondes rêveries de l’auteur Anglois en le fixant ? Si j’ai pu lire dans les idées de M. Hume, voici à ce que je m’imagine, les pensées qui accompagnoient ses réflexions. Est-il possible, disoit-il en lui-même, que j’aie fait la sottise d’empaqueter avec moi cet extravagant ? est-il possible que j’aie pu concevoir le projet de rendre cet homme heureux malgré lui-même ? Cependant j’ai le public & mon honneur à ménager. Je ne puis lui tourner le dos subitement sans faire crier après moi : mes ennemis, même ceux qui ne voudroient pas du bien à cet Etranger, prendroient occasion, en écoutant ses plaintes, de me peindre de toutes les couleurs. Voyons, tâchons de nous tirer doucement cette épine du pied. Faisons plus, sollicitons une pension pour lui, il est plus noble de dénouer l’amitié que de la rompre avec éclat ; je vois bien que cet homme n’est plus à lui-même ; mais de le déclarer tel, je m’exposerai moi-même aux railleries piquantes des mauvais plaisans dont le siecle abonde. Avez-vous pu annoncer ce Genevois, me reprocheroit-on, pour un sage, tandis que l’Anglois auroit été un Caton vis-à-vis de lui ?