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déplaisirs ; mais combien en pourrois-je nommer, non seulement en Angleterre, mais par-tout ailleurs, qui, pour un intérêt de peu de chose, la perte d’un petit procès, la mort d’un parent, celle d’une maîtresse & souvent moins encore, se sont abandonnés à des excès plus funestes, jusques enfin à s’arracher la vie par l’eau, le feu, le fer ou le poison. Que ne profitoient-ils de leur stoïcisme ? pourquoi la plupart des hommes ne s’attachent-ils pas à mieux connoître les facultés de l’ame & de l’esprit ? parce qu’ils s’appliquent trop à raisonner sur les événemens, & ne réfléchissent que très-rarement sur leur cause premiere.

Le Rapporteur de bonne soi, qui eut occasion de voir M. Rousseau à Montmorency, lui fait un compliment, par lequel on ne remarque pas qu’il se soit apperçu de la maladie qui affligeoit plus son esprit que le corps de ce Philosophe ; il se charge de si justification, elle lui fait honneur : il défend l’innocence outragée, & son plaidoyer lui attireroit encore plus d’éloges, si celui pour lequel il plaide se portoit bien.

Une premiere lecture de l’Exposé lui montre M. Rousseau singulier. On peut dire que la politesse ne perfectionne de nos jours comme les modes ; pourquoi ne pas dire malade ? La seconde le lui fait voir plein de candeur & de sensibilité ; pourquoi n’a-t-il pas ajouté le mot de trop, qui auroit mieux fait comprendre au Lecteur que l’excès des passions de l’ame les fait dégénerer en foiblesses ; mais la troisieme lecture de l’Exposé, en confirmant le jugement qu’il a porté sur cette affaire, c’est-à-dire, de trouver l’illustre Genevois innocent, innocence qui lui fait ressentir un tressaillement de joie en appercevant à la fois sa pleine justification, & l’évidence des torts de son