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Paris même, pu reconnoître par les singularités du Genevois, que cet homme n’étoit plus à lui-même, ni aux autres. À quoi bon se cuirasser pour faire la guerre aux fous ! La pauvreté seule de celui qu’il cherchoit à humilier, devoit l’empêcher de le jouer dans une lettre supposée.

Insulter aux malheureux sans en avoir un sujet légitime, c’est afficher une ame dure & incapable de compassion. Le sieur Walpole ajoute qu’il a une parfaite indifférence sur ce qu’on pensera de son procédé vis-à-vis de

Rousseau ; c’est a la fois braver la voix publique & les honnêtes gens. Si cet Anglois dont les aïeux n’étoient ni sort riches ni fort illustres, eût regardé de plus près, il aurait vu que Rousseau n’étoit pas aussi méchant que lui, & qu’il n’avoir pas le cœur ingrat ; mais que quand un homme a l’esprit troublé, il n’est gueres possible de le bien caractériser, parce qu’il change de propos & de conduite à chaque instant.

En suivant les réflexions de M. Hume, qui succedent à l’épître de M. Walpole, je remarque que celui-ci suppose toujours le Genevois expatrié, doué de toute la présence d’esprit d’un homme sensé. Dans cette supposition il a raison de le peindre avec les traits qu’il emploie pour le rendre méprisable aux yeux du public ; mais en se rappellant lui-même les larmes & les transports de son ancien compagnon de voyage, & ses singularités, il devoit plus que personne s’être apperçu de ses égaremens, & le traiter en conséquence. Comme il ne pouvoit que le consoler ou le plaindre, l’animosité & le mépris ne devoient pas paroître ni dans l’une ni dans l’autre de ses lettres, & cependant voici le portrait qu’il en fait.