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dit-il, reste en sa présence quelque tems assis, ayant un air sombre & gardant le silence. N’est-ce pas là un avant-coureur, du délire ? Il répond aux questions qu’on lui fait avec beaucoup d’humeur ; n’est-ce pas les suites ordinaires de l’accès primitif du mal ? Il se lève brusquement, & après avoir fait quelques tours dans la chambre, se jette à corps perdu sur les genoux de M. Hume, l’embrasse, lui serre le cou comme pour l’étrangler, & s’écrie comme un fou qui a peur que l’on ne découvre son mal : Mon cher ami, me pardonnerez-vous jamais cette extravagance ? M. Hume veut appaiser les frayeurs de Rousseau par des consolations ; & il appelle cela une scene très-touchante : il a bien de la bonté, je l’appellerois moi, très-ridicule. On plaint les fous ; on doit les secourir ; mais il est de la prudence de s’en éloigner, & de la sagesse de ne pas faire attention aux caresses non plus qu’aux invectives dont ils nous accablent.

Dans toutes les lettres de M. Hume, il s’y trouve autant de clarté, que dans celles de son ami d’obscurité & de subterfuges. Plus J. J. Rousseau va en avant, plus il s’enfonce dans les ténebres, les petits esprits qui ne savent lire que des mots artistement rangés, ne courent qu’après l’énigmatique pour avoir le plaisir de deviner à faux ; mais les gens sensés qui aiment le solide & le clair, ne le regarderont jamais que comme un homme prêt à tomber dans les accès d’une fievre chaude.

La lettre de M. Walpole à M. Hume du 26 juillet 1766, ne fait ni l’éloge de l’esprit, ni celui du caractere de cet Anglois. S’il eût eu du jugement & de la candeur, il eût dès