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cet homme célebre qui a déjà fait tant de bruit vers le Sud, & qui est encore en état par la beauté de son style, la profondeur de ses réflexions, & l élévation de son génie, de composer quelque ouvrage qui sera recherché : je le traduirai, ou le serai traduire ; par ce moyen, je pourrai mieux tirer parti de mes talens & des siens. Après quoi il s’éveille & pense aux moyens de réaliser un si beau songe ; pour cet effet il projette de solliciter pour ce Genevois une pension, afin que n’étant pas importuné par l’indigence, il puisse limer ses productions & les rendre dignes des applaudissemens du public. Enfin nous serons consens tous les deux, nous acquerrons une nouvelle réputation, dans la république des Lettres ; & je n’y perdrai rien du côté des faveurs de la fortune.

Si un pareil projet pouvoit passer pour une trahison, je serois tenté de croire que l’auteur Anglois étoit un traître ; mais ne l’étant pas, J. J. Rousseau a très-mauvaise grace de faire tant de bruit pour de si bonnes intentions.

Je me perds dans mes réflexions, quand je considere que M. Hume ait pu demeurer si long -tems sans s’appercevoir du dérangement d’esprit de son compagnon de voyage, qu’il ait eu la constance d’entreprendre une justification, toujours inutile vis-à-vis d’un homme de cette trempe.

Je ne dis pas que la derniere & longue épître du malade dût demeurer sans réponse ; mais pourquoi pousser la complaisance au-delà de ses bornes ? L’Anglois en peu de lignes peint au parfait la maladie de sou ami. Il la connoissoit donc ; pourquoi le combattre comme s’il eût eu l’esprit tout-à-fait libre. Voyons comme il le dessine d’après nature. Rousseau,