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négliger sans s’offenser soi-même. Prosterné chaque jour au pied de la croix, la touchante image d’un Dieu souffrant, plus présente encore à son cœur qu’à ses yeux, ne lui laissais point oublier que c’est en son seul amour que consistent les richesses, la gloire, & la justice ;*

[*Prov. C. VIII. Verset 18.] & il n’ignoroit pas, non plus, malgré tant de vains discours, que si celui qui fait sou tenir les grandeurs en est digne, celui qui fait les mépriser est au-dessus d’elles. Hommes vulgaires, qu’un éclat frivole éblouit, même quand vous affectez de le dédaigner, lisez une fois dans vos ames, & apprenez à admirer ce que nul de vous n’est capable de faire.

Il étoit :bienfaisant, je l’ai déjà dit, & qui pourroit l’ignorer ? Qu’il me soit permis d’y revenir encore ; je ne puis quitter un objet si doux. Un homme bienfaisant est l’honneur de l’humanité, la véritable image de Dieu, l’imitateur de la plus active de toutes ses vertus, & l’on ne peut douter qu’il ne reçoive un jour le prix du bien qu’il aura fait, & même de celui qu’il aura voulu faire, ni que le pere des humains ne rejette avec indignation ces ames dures qui sont insensibles la peine de leur frere, & qui dont aucun plaisir à la soulager. Hélas ! cette vertu si digne de notre amour est peut -être bien plus rare encore qu’on ne pense. Je le dis avec douleur, si du nombre de ceux qui semblent y prétendre on écartoit tous ces esprits orgueilleux qui ne sont du bien que pour avoir la réputation d’en faire, tous ces esprits foibles qui n’accordent des graces que parce qu’ils n’ont pas la force de les refuser ; qu’il en resteroit peu, de ces cœurs vraiment généreux dont