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il accuse son ami. J’ai relu deux fois cette épître, & je veux être écorché vif si j’ai pu appercevoir le moindre, éclaircissement sur le fait dont il est question, je n’ai pu y découvrir que le progrès de sa maladie qui se manifeste à chaque ligne, & qui de phrases en phrases va toujours en empirant. La preuve de cette vérité, c’est qu’à mesure que la plume de l’Ecrivian coule sur le papier, il perd tellement la mémoire, qu’il ne s’apperçoit pas que lui-même se contredit dans ses propres aveux, & s’il s’y soutient, ce n’est que par la répétition des soupçons qui sont très-surement, ce n’est que par la répétition des soupçons qui sont très-surement la cause primitive de son mal.

Ce qui m’y réjouit, c’est d’y trouver un homme unique en son genre qui vouloit absolument que ses amis l’eussent tous été de M. Hume, qu’il aime comme on aimeroit une jolie femme, & que M. Hume fît la guerre à tous ceux que lui Rousseau n’aimoit pas, sans trop savoir pourquoi, ou qu’autrement cet Anglois ne seroit qu’un traître abominable.

Plus on tourne de feuillets, & plus on remarque que le malade ne dormoit pas en les remplissant, mais que ses assoupissemens lui suscitoient des rêves de longue haleine. En voici un qui l’a beaucoup effrayé, c’est encore un soupçon mais d’une espece tout-à-fait caustique ; son imagination le fixe attentivement ; ce n’est point une ombre qui passe, c’est un spectre hideux qui lui présente M. d’Alembert, non pas à Wootton, mais à Paris, une plume à la main, & limant avec toute l’éloquence dont ce savant est doué, la lettre publiée sous le nom du Monarque Prussien. Il proteste, & dit qu’il est convaincu que ce ne peut pas être un autre qui en soit l’Auteur ; il culbute ce soupçon sur un autre, & prétend