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Paris, &c. mais c’est à Douvres où je vous arrête Transporté, dites -vous, de toucher enfin cette terre de liberté, & d’y être amené par cet homme illustre ;*

[*M. Hume.] je lui saute au cou, je l’embrasse étroitement & sans rien dire, mais en couvrant son visage de baisers & de larmes qui parloient assez ; cela est vrai, ils en disoient même plus, qu’il n’en falloit. On passe à des femmes quand on leur accorde ce qu’elles ont longtems desiré, & à de jeunes écoliers à qui l’on distribue des prix, ces petits accès d’une joie immodérée qui s’évaporent aussi vîte que les fumées d’un feu de paille ; mais des saisissemens de cette nature, exprimés par les embrassemens & les larmes d’un vieillard sexagénaire, ne sont que les avant-coureurs qui annoncent que le bon homme commence à tomber dans l’enfance ; convenez de cette vérité. Plus bas vous faites la question, je ne sais ce que M. Hume fait de ces souvenirs, vous voulez dire de ces tressaillemens de joie, & vous ajoutez, j’ai dans l’esprit qu’il doit en être quelquefois importuné ; je crois qu’il l’étoit bien davantage lorsque vous lui en faisiez éprouver les effets. Des baisers, des embrassemens réitérés & des larmes hors de propos, importunent toujours un homme raisonnable, à moins que ce ne soit dans une premiere entrevue, après une longue absence, ou enfin à la suite de quelqu’événement miraculeux qui tienne du prodige. Le retour d’un parent échappé d’un naufrage ou d’un danger éminent ; celui d’un ami qui revient d’un voyage de long cours : celui d’un fils que l’on croyoit perdu, sont assurément des circonstances très-touchantes ; mais que penser