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en veut à votre vie, tandis que près de votre retraite menacée, vous aviez un asyle assuré. La communauté de Couvet vous offroit des combourgeois humains & généreux qui se seroient empressés à vous donner des marques de leur protection. Mais vous vouliez changer d’air & de climat, il falloir, pour masquer votre humeur inconstante, enfanter des prétextes, & j’appréhende bien que ceux dont vous vous êtes servi ne soient pas applaudis par les hommes de bon sens. Pour vous convaincre que vous ne deviez pas éprouver des traitemens barbares, on vous accompagne jusques dans l’Isle de saine Pierre, au milieu d’un lac, dans une terre inaccessible à vos ennemis ou du moins que vous croyez tels ; mais les Souverains de cet endroit-là, jugent à propos de vous signifier de choisir un autre asyle. La politique le veut, on craint que votre plume ne franchisse les airs pour inspirer aux habitans d’un Etat voisin des sentimens de patriotisme que l’on souhaiteroit qu’ils n’eussent pas. Oseriez-vous nommer cette conduite un traitement barbare ? Que vos livres en aient essuyé, j’en conviens : mais vous, en les composant, ne deviez-vous pas vous y attendre. Soyez plus équitable, ne taxez plus de barbares des peuples chez qui, malgré vos singularités vous avez reçu les traitemens les plus doux ; autrement je croirai que vous ne connoissiez plus la valeur des expressions. Puis-je mieux le croire quand vous alléguez pour les indices d’une trahison que l’on a tramée contre vous, ce grand éloge que vous faites des grands talens, & de l’honnêteté bien établie de M. Hume, & que vous accompagnez fort inutilement de la relation de votre voyage à Londres, passant par Strasbourg,