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ses sentimens ? A-t-il estimé ou non celui qu’il affecte dans cet instant de mépriser jusqu’à l’injure ? A-t-il oublié que lui-même avoit dit que la célébrité de son génie, de ses talens, sur-tout de ses malheurs, l’avoient engagé de s’intéresser pour lui ? Est-il ridicule d’employer le raisonnement quand il s’agit de se justifier d’un soupçon ? l’est-il davantage de s’en servir vis-à-vis d’un homme célebre par son génie & ses talens ? Contre qui donc faudroit-il employer le raisonnement ? Seroit-ce contre un sot, un ignorant incapable d’en sentir la force & vérité ?

Si tout le public juge comme moi, il ne trouve, dans la phrase de ce célebre écrivain Anglois, que la quintessence du mauvais raisonnement. Il ne peut y rencontrer qu’une façon de penser & d’écrire tout-à-fait opposée à la philosophie morale, & entièrement dépourvue de délicatesse & de grandeur d’ame. Que penser des talens supérieurs de M. Hume, quand il dit que ce n’est pas l’usage que les services que nous avons rendus fassent naître en nous de la mauvaise volonté. Qui vous a dit, M. Hume, que ce n’est pas l’usage ? & moi je vous soutiens que la plupart de ceux qui, dans ce siecle, obligent ou rendent des services, ne l’ont pas plutôt fait, que une maniere ou d’une autre ils cherchent à en retirer l’intérêt.

Les uns exigent des déférences ou des assiduités ; & il en est qui poussent la mauvaise volonté jusqu’à exiger des sacrifices qui coûtent beaucoup à la délicates e & à l’amour-propre de ceux qui ont reçu leurs bienfaits : enfin il en est peu qui eu répandent sans avoir un but ou un point de vue, qui n’est pas toujours la perspective de la vertu.