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d’avoir la satisfaction de lui faire du bien, le public le savoit, l’obligé même le lui avoit appris, l’Anglois n’auroit jamais eu la foiblesse de le lui reprocher, & son ostentation eût été ignorée dans le monde ; c’est lui-même qui l’a affichée par des reproches qui ne conviennent qu’à des ames viles & à des hommes abjects. Eh ! qui auroit jamais osé soupçonner qu’un écrivain estimé eût pu s’oublier jusqu’au point de faire parade de ses services & de ses bienfaits ? Excepté cependant que Messieurs les Auteurs Anglois n’aient acquis ce privilege par une chartre ignorée par les Philosophes des autres nations policées.

Si l’on considéroit l’action d’obliger comme une vertu attachée aux devoirs de l’humanité, & qui prend son origine dans un sentiment aussi noble & même plus vertueux que la générosité, l’ingratitude seroit entièrement bannie de monde ; M. Hume ne se fût jamais encensé lui-même aux yeux des hommes qui, capables de réflexions, savent qu’il n’y a point de mérite à faire du bien à quelqu’un, quand après l’avoir fait, on est assez lâche pour s’en glorifier ouvertement. La passion, autrement dit la vengeance, l’emportoit sur les sages réflexions qu’il auroit dû faire avant que de plaider sa cause à la face du ciel & de la terre. C’est ce qu’il fait voir très-clairement quand il dit, en parlant de son adverse partie, s’il n’étoit pas ridicule d’employer le raisonnement sur un semblable sujets & contre un tel homme, il lui demanderoit pourquoi il lui suppose le dessein de lui nuire ?

Et -il possible que cet Anglois s’oublie jusqu’au point d’avouer, comme il le fait ici, la duplicité & l’inconstance de