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conseils d’un Seigneur qu’il nommoit son pere & son ami ; fait encore naître de nouvelles difficultés sous des prétextes si frivoles, qu’un idiot ou un hébété rougiroit s’il s’en étoit servi. Enfin on a la complaisance de se prêter à ses inconstantes bizarreries. On lui propose que la pension aura lieu aux conditions que lui-même voudra prescrire : la plus importante est qu’il faut que le public ignore que cet acte de bienfaisance émanoit de la compatissante libéralité d’un grand Roi : comme si un homme de lettres pouvoit rougir du bien que lui seroit un Souverain ami des arts & des talens.

Voilà le ridicule du philosophe Genevois, ou plutôt sa folie, prouvée par un refus que tout autre que Rousseau n’auroit jamais fait. Voyons,comment M. Hume l’a interprété, en caractérisant son ancien ami bien plus par un esprit de vengeance que par discernement. Je crois bien, avec cet Anglois, que le Genevois avoit l’esprit inquiet. Cela ne devoit point l’étonner : il devoit se figurer que son ami se croyoit journellement menacé par un nombre d’ennemis différens. Il avoit a redouter tous ceux qui, dans le Contrat Social, Emile, & les Lettres de la Montagne, se trouvoient offensés par des traits qui s’opposoient à leurs intérêts, ou par ceux dont il avoit blessé les consciences. Enfin il pouvoit aisément pressentir que J. J. Rousseau, en horreur aux Magistrats de Geneve, trembloit à chaque pas & se figuroit qu’on le poursuivroit jusques dans les lieux les plus éloignés. Mais non, M. Hume incapable de réfléchir sur cette position aussi critique qu’embarrassante, s’érige en censeur despotique, & publie de sa pure autorité, qu’il voyoit clairement que son ami étoit né pour le tumulte &