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qu’on a jamais vu un homme de génie pousser l’orgueil à l’excès ? Un Pédant pétri des préjugés qui regnent sur les bancs de l’école, se gonfle quelquefois d’orgueil, & s’attire par-là l’indignation de tous ceux qui le connoissent. Mais a-t-on vu quelque homme d’un vrai mérite donner tête baissée dans ce vice abominable ? Non, sans doute, Newton, Wolff, Fénelon, Fontenelle, Mafei, le Franc de Pompignan & nombre d’autres que je pourrois nommer, étoient par leur candeur & leur affabilité les antipodes de l’orgueil. A-t-on jamais ouï dire que l’orgueil porté à l’excès méritoit de l’indulgence dans un homme de génie ? Qui peut lui accorder cette indulgence sinon, un esprit superbe & hautain. Eh ! comment la lui accorde-t-il ? comme un tribut qu’il ne lui paye, que pour le recevoir à son tour.

Pour bien définir un objet, ou pour peindre les vices du cœur &les foiblesses de l’esprit humain, il faut être maître de la parole & connoître la valeur des termes.

Que M. Hume me permette encore de lui demander ce que c’est qu’un orgueil excessif soutenu par le sentiment sa propre supériorité autant que par l’amour de l’indépendance, qui brave les outrages de la fortune & l’insolence des hommes ? Quant à moi, je ne trouve dans cette phrase qu’un paradoxe indéfinissable. Tout ce que je puis dire, c’est qu’un orgueil de cette espece, n’est qu’une folie outrée, qui ne mérite d’autre indulgence que celle que l’on devroit employer pour la faire loger aux petites maisons. Un homme qui croit être né pour lui seul, qui pense n’avoir besoin de personne & que personne ne doit avoir besoin de lui : qui croit en refusant les services