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Il le faut avouer, Messieurs, si ces devoirs consistent dans l’affectation d’une vaine pompe, souvent plus propre à révolter les cœurs qu’à éblouir les yeux ; dans l’éclat d’un luxe effréné qui substitue les marques de la richesse à celles de la grandeur dans l’exercice impérieux d’une autorité dont la rigueur montre communément plus d’orgueil que de justice : si ce sont là, dis-je, les devoirs des Princes ; j’en conviens avec plaisir, il ne les a point remplis.

Mais si la véritable grandeur consiste dans l’exercice des vertus bienfaisantes, à l’exemple de celle de Dieu qui ne se manifeste que par les biens qu’il répand sur nous ; si le premier devoir des Princes est de travailler au bonheur des hommes ; s’ils ne sont élevés au-dessus d’eux que pour être attentifs à prévenir, leurs besoins ; s’il ne leur est permis d’user, de l’autorité que le Ciel leur donne que pour les forcer d’être sages & heureux ; si l’invincible penchant du peuple à admirer & imiter la conduite de ses maîtres n’est pour eux qu’un moyen, c’est-à-dire, un devoir de plus pour le porter à bien faire par leur exemple, toujours plus fort que leurs loix ; enfin s’il est vrai que leur vertu doit être proportionnée à leur élévation : Grands de la terre, venez apprendre cette science, rare, sublime & si peu connue de vous, de bien user de votre pouvoir & de vos richesses, d’acquérir des grandeurs qui vous appartiennent, & que vous puissiez emporter avec vous en quittant toutes les autres.

Le premier devoir de l’homme est d’étudier ses devoirs ; & cette connoissance est facile à acquérir dans les conditions privées. La voix de la raison & le cri de la conscience s’y