Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/366

Cette page n’a pas encore été corrigée

de sa vie, M. Rousseau ait joui plus entièrement qu’aujour-hui de toute sa raison. Même dans les étranges lettres qu’il m’a écrites, on retrouve des traces bien marquées de son éloquence & de son génie.

M. Rousseau m’a dit souvent qu’il composoit les mémoires, de sa vie, & qu’il y rendroit justice à lui-même, à ses ami & à ses ennemis. Comme M. Davenport m’a marqué que depuis sa retraite à Wootton il avoit été fort occupé à écrire, j’ai lieu de croire qu’il acheve cet ouvrage. Rien au monde n’étoit plus inattendu pour moi que de passer si soudainement de la classe de ses amis à celle de ses ennemis ; mais cette révolution s’étant faite, je dois m’attendre à être traité en conséquence. Si ces mémoires paroissent après ma mort, personne ne pourra justifier ma mémoire en faisant connoître la vérité : s’ils sont publiés après la mort de l’Auteur, ma justification perdra, par cela même, une grande partie de son authenticité. Cette réflexion m’a engagé à recueillir toutes les circonstances de cette aventure, à en faire un précis que je destine à mes amis, & dont je pourrai faire dans la suite l’usage qu’eux & moi nous jugerons convenable ; mais j’aime tellement la paix qu’il n’y a que la nécessité ou les plus fortes raisons qui puissent me déterminer à exposer cette querelle aux yeux du public.

Perdidi beneficium. Numquid quae consecravimus perdidisse nos dicimus ? Inter consecrata beneficium est ; etiamsi malè respondit, benè collocatum. Non est ille qualem speravimus : simus nos quales fuimus, ei dissimiles. Seneca de Beneficiis, lib, VII. cap. 29.

FIN.