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pour opérer dans l’esprit de qui que ce soit une conviction sincere.

Quoique M. Rousseau paroisse faire ici le sacrifice d’un intérêt fort considérable, il faut observer cependant que l’argent est pas toujours le principal mobile des actions humaines : i1 y a des hommes sur qui la vanité a un empire bien plus puissant, & c’est le cas de ce Philosophe. Un refus fait avec ostentation de la pension du roi d’Angleterre, ostentation qu’il souvent recherchée à l’égard d’autres Princes, auroit pu être seule un motif suffisant pour déterminer sa conduite.

Quelques autres de mes amis traitent toute cette affaire avec plus d’indulgence, & regardent M. Rousseau comme un objet de pitié plutôt que de colere. Ils supposent bien aussi que l’orgueil & l’ingratitude sont la base de son caractere ; mais en même tems ils sont disposés à croire que son esprit, toujours inquiet & flottant, se laisse entraîner au courant de son humeur & de les passions. L’absurdité de ce qu’il avance n’est pas, selon eux, une preuve qu’il soit de mauvaise foi. Il se regarde comme le seul être important de l’univers, & croit bonnement que tout le genre-humain conspire contre lui. Son plus grand bienfaiteur étant celui qui incommode le plus son orgueil, devient le principal objet de son animosité. Il est vrai qu’il emploie, pour soutenir les bizarreries, des fictions & des mensonges ; mais c’est une ressource si commune dans ces têtes foibles qui flottent continuellement entre la raison & la folie, que personne ne doit s’en étonner.

J’avoue que je penche beaucoup vers cette derniere opinion, quoiqu’en même tems je doute fort qu’en aucune circonstance