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mon cou, vous m’embrassâtes avec un air de transport, vous baignâtes mon visage de vos larmes & vous vous écriâtes : Mon cher ami., me pardonnerez-vous jamais cette extravagance ? Après tant de peines que vous avec prises pour m’obliger, après les preuves d’amitié sans nombre que vous m’avez données, se peut-il que je paye vos services de tant d’humeur & de brusquerie ? Mais en me pardonnant, vous me donnerez une nouvelle marque de votre amitié, & j’espère que lorsque vous verrez le fond de mon cour, vous trouverez qu’il n’en est pas indigne. Je fus extrêmement touché, & je crois qu’il se passa entre nous une scene très-tendre. Vous ajoutâtes, sans doute par forme de compliment, que quoique j’eusse d’autres titres plus sûrs pour mériter l’estime de la postérité, cependant l’attachement extraordinaire que je marquois à un homme malheureux & persécuté, seroit peut-être compté pour quelque chose."

"Cet incident étoit assez remarquable, & il, est impossible que vous ou moi l’ayons si promptement oublié ; mais vous avez eu l’assurance de m’en parler deux fois d’une maniere si différente, ou plutôt si opposée, qu’en persistant, comme je fais dans mon récit, il s’ensuit nécessairement qu’un de nous deux est un menteur. Vous imaginez peut-être que cette aventure s’étant passée entre nous & sans témoins, il faudra balancer la crédibilité de votre témoignage & du mien, mais vous n’aurez pas cet avantage ou ce désavantage, de quelque maniere que vouliez l’appeller : je produirai contre vous d’autres preuves qui mettront la chose hors de contestation."