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en montrant qu’il fait les sentir. Je prévois aisément la suite de tout cela, sur-tout dans le pays où vous m’avez conduit, & où, sans amis, étranger à tout le monde, je suis presque à votre merci. Les gens sensés comprendront, cependant, que loin que j’aye pu chercher cette affaire, elle étoit ce qui pouvoit m’arriver de plus terrible dans la position où je suis : ils sentiront qu’il n’y a que ma haine invincible pour toute fausseté, & l’impossibilité de marquer de l’estime à celui pour qui je l’ai perdue, qui aient pu m’empêcher de dissimuler quand tant d’intérêts m’en faisoient une loi : mais les gens sensés sont en petit nombre & ce ne sont pas eux qui sont du bruit."

"Oui, M. Hume, vous me tenez par tous les liens de cette vie ; mais vous ne me tenez ni par ma vertu ni par on courage, indépendant de vous & des hommes, & qui me restera tout entier malgré vous. Ne pensez pas m’effrayer par la crainte du sort qui m’attend. Je connois les jugemens des hommes, je suis accoutumé à leur injustice, & j’ai appris à les peu redouter. Si votre parti est pris, comme j’ai tout lieu de le croire, soyez sur que le mien ne l’est pas moins. Mon corps est affoibli, mais jamais mon ame ne fut plus ferme. Les hommes seront & diront ce qu’ils voudront, peu m’importe ; ce qui m’importe est d’achever comme j’ai commencé, d’être droit & vrai jusqu’à la fin, quoi qu’il arrive, & de n’avoir pas plus à me reprocher une lâcheté dans mes miseres qu’une insolence dans ma prospérité. Quelque opprobre qui m’attende & quelque malheur qui me menace, je suis prêt. Quoiqu’à plaindre, je