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"Il faut se posséder autant que fait M. Hume, il faut avoir son flegme & toute sa force d’esprit pour prendre le partiqu’il prit après tout ce qui s’étoit passé. Dans l’embarras où j’étois, écrivant à M. le général Conway, je ne pus remplir ma lettre que de phrases obscures dont M. Hume fit, comme mon ami, l’interprétation qu’il lui plut. Supposant donc, quoiqu’il sût très-bien le contraire, que c’étoit clause du secret qui me faisoit de la peine, il obtient de M. le général qu’il voudroit bien s’employer pour la faire lever. Alors cet homme stoïque & vraiment insensible m’écrit la lettre la plus amicale, où il me marque qu’il s’est employé pour faire lever la clause, mais. qu’avant toute chose il faut savoir si je veux accepter cette condition, pour ne pas exposer Sa Majesté à un second refus."

"C’étoit ici le moment décisif, la fin, l’objet de tous ses travaux. Il lui falloit une réponse, il la vouloit. Pour que jene pusse me dispenser de la faire, il envoie à M. Davenport un duplicata de sa lettre, & non content de cette précaution, il m’écrit dans un autre billet qu’il ne sauroit rester plus long-tems à Londres pour mon service. La tête me tourna presque en lisant ce billet. De mes jours je n’ai rien trouvé de plus inconcevable."

"Il l’a donc enfin cette réponse tant desirée, & se presse déjà d’en triompher. Déjà écrivant à M. Davenport, il me traite d’homme féroce & de monstre d’ingratitude. Mais il lui faut plus. Ses mesures sont bien prises, à ce qu’il pense : nulle preuve contre lui ne peut échapper. Il veut une explication : il l’aura, & la voici."