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j’avois à me garantir ; je me rappellerai alors quatre mots effrayans de M. Hume, que je rapporterai ci-après. Que penser d’un écrit où l’on me faisoit un crime de mes miseres ; qui tendoit à m’ôter la commisération de tout le monde dans mes malheurs ; & qu’on donnoit sous le nom du Prince même qui m’avoit protégé, pour en rendre l’effet plus cruel encore ? Que devois-je augurer de la suite d’un tel début ? Le peuple Anglois lit les papiers publics, & n’est pas déjà trop favorable aux étrangers. Un vêtement qui n’est pas le sien suffit pour le mettre de mauvaise humeur. Qu’en doit attendre un pauvre étranger dans ses promenades champêtres, le seul plaisir de la vie auquel il s’est borné, quand on aura persuadé à ces bonnes gens que cet homme aime qu’on le lapide ? ils seront fort tentés de lui en donner l’amusement. Mais ma douleur, ma douleur profonde & cruelle, la plus amere que j’aye jamais ressentie, ne venoit pas du péril auquel j’étois exposé. J’en avois trop bravé d’autres pour être fort ému de celui-là. La trahison" *

[*Ce faux ami, c’est moi, sans doute ; mais cette trahison quelle est-elle ? Quel mal ai-je pu fait ou ai-je pu faire à M. Rousseau En me supposant le projet caché de le perdre, comment pouvois-je y parvenir par les services que je lui rendois ? Si M. Rousseau en étoit cru, on me trouveroit bien plus imbécille que méchant.] "d’un faux ami dont j’étois la proie, étoit ce qui portoit dans mon cœur trop sensible l’accablement, la tristesse & la mort. Dans l’impétuosité d’un premier mouvement, dont jamais je ne fus le maître, & que mes adroits ennemis savent faire naître pour s’en prévaloir, j’écris des