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que je nie rappelle encore avec délices, je m’élanceà son cou, je le serre étroitement ; suffoqué de sanglots inondé de larmes, je m’écrie d’une voix entre coupée : Non,non David Hume n’est pas un traître ; s’il n’étoit le meilleur des hommes, il faudroit qu’il en fût le plus noir.*

[* Tout le dialogue de cette scene est artificieusement concerté pour préparer & sonder une partie de la fable tissue dans cette lettre. On verra ce que j’ai à dire sur cet article dans ma réponse à M. Rousseau.] David Hume me rend poliment mes embrassemens& tout en me frappant de petits coups sur le dos, me répete plusieurs fois d’un ton tranquille : Quoi, mon cher Monsieur ! Eh, mon cher Monsieur ! Quoi donc, mon cher Monsieur ! Il ne me dit rien de plus, je sens que mon cœur se resserre ; nous allons nous coucher, & je pars le lendemain pour la province. Arrivé dans cet agréable asyle où j’étois venu chercher le repos de si loin, je devois le trouver dans une maison solitaire, commode & riante, dont le maître, homme d’esprit & de mérite, n’épargnoit rien de ce qui pouvoit m’en faire aimer le séjour. Mais quel repos peut-on goûter, dans la vie quand le cœur est agité ! Troublé de la plus cruelle incertitude, & ne sachant que penser d’un homme que je devois aimer, je cherchai à me délivrer de ce doute funeste en rendant ma confiance à mon bienfaiteur. Car, pourquoi, par quel caprice inconcevable eût-il eu tant de zele à l’extérieur pour mon bien-être, avec des projets secrets contre mon honneur ? Dans les observations qui m’avoient inquiété, chaque fait en lui-même étoit peu de chose, il n’y avoir que leur concours