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je me fais un plaisir de le dire, leurs soins, leurs bons offices ont été les mêmes, & très-grands en ma faveur ; mais loin de me marquer la même estime, celui sur-tout dont je veux parler & chez qui nous étions descendus à notre arrivée, accompagnoit tout cela de propos si durs & quelquefois si choquans, qu’on eût dit qu’il ne cherchoit à m’obliger que pour avoir droit de me marquer du mépris.*

[* Il s’agit ici de M. Jean Stewart, mon ami, qui a reçu M. Rousseau chez lui & lui a rendu tous les bons offices qu’il a pu lui rendre. En se plaignant de ses procédés, M.Rousseau a oublié qu’il lui a écrit de Wootton même, une lettre pleine de témoignages de reconnoissance les plus expressifs & les plus justes. Ce que M. Rousseau ajoute sur le frere Stewart, n’est ni vrai ni honnête. ] Son frere, d’abord très-accueillant, très-honnête, changea bientôt avec si peu de mesure, qu’il ne daignoit pas même dans leur propre maison me dire un seul mot, ni me rendre le salut, ni aucun des devoirs que l’on rend chez soi aux étrangers. Rien cependant n’étoit survenu de nouveau que l’arrivée de J. J. Rousseau & de David Hume ; & certainement la cause de ces changemens ne vint pas de moi ; à moins que trop de simplicité, de discrétion, de modestie ne soit un moyen de mécontenter les Anglois. "

"Pour M. Hume, loin de prendre avec moi un ton révoltant, il donnoit dans l’autre extrême. Les flagorneries m’ont toujours été suspectes. Il m’en a fait de toutes les façons,*

[*J’ en dirai seulement une qui m’a fait rire ; c’étoit de faire en sorte, quand je venois le voir, que je trouvasse toujourssur la table un Tome de l’Héloïse ; comme si je ne connoissois pas assez le goût de M.Hume, pour être assuré que de tous les livres qui existent, l’Héloïse doit être pour lui le plus ennuyeux.] au point de me forcer, n’y pouvant tenir davantage,*

[*On peut juger par les deux premieres lettres de M. Rousseau, que j’ai publiées à dessein, de quel côté les flagorneries ont commencé. Au reste, j’aimois & j’estimois M. Rousseau, & j’avois du plaisir à le lui marquer. Peut-être en effet l’ai je trop loué, mais je peux assurer qu’il ne s’en est jamais plaint.]