Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/317

Cette page n’a pas encore été corrigée

de la joie la plus vive, j’en mande la nouvelle à mon ami. Je n’en reçue point de réponse ; mais voici la lettre qu’il écrivit au général Conway.

M. ROUSSEAU AU GÉNÉRAL CONWAY.

Le 22 Mai 1766.

“MONSIEUR,"

"Vivement touché des graces dont il plaît à Sa Majesté de m’honorer, & de vos bontés qui me les ont attirées,j’y trouve, dès-à-présent, ce bien précieux à mon cœur, d’intéresser à mon sort le meilleur des Rois & l’homme le plus digne d’être aimé de lui. Voilà, Monsieur, un avantage dont je suis jaloux & que je ne mériterai jamais de perdre. Mais il faut vous parler avec la franchise que vous aimez. Après tant de malheurs, je me croyois préparé à tous les événemens possibles ; il m’en arrive pourtant que je n’avois pas prévus, & qu’il n’est pas permis à un honnête homme de prévoir. Ils m’en affectent d’autant plus cruellement, & le trouble où ils me jettent m’ôtant la liberté d’esprit nécessaire pour me bien conduire, tout ce que me dit la raison dans un état aussi triste est de suspendre mes résolutions sur toute affaire importante, telle qu’est pour moi celle dont il s’agit. Loin de me refuser aux bienfaits du Roi, par l’orgueil qu’on m’impute, je le mettrois à m’en glorifier, & tout ce que j’y vois de pénible est de ne pouvoir m’en honorer aux yeux du public