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étions retenus par les vents contraires, je demandai à M. Rousseaus’il n’accepteroit pas une pension du roi d’Angleterre, au cas que Sa Majesté voulût bien la lui accorder. Il me répondit que cela n’étoit pas sans difficulté, mais qu’il s’en rapporteroit entiérement à l’avis de Mylord Maréchal. Encouragé par cette réponse, je ne fus pas plutôt arrivé à Londres que je m’adressai pour cet objet aux Ministres du Roi, & particuliérement au général Conway, secrétaire d’État, & au général Groeme, secrétaire & chambellan de la reine. Ils firent la demande de la pension à leurs Majestés qui y consentirent avec bonté, à condition seulement que la chose resteroit secrete. Nous écrivîmes, M. Rousseau & moi, à Mylord Maréchal, & M. Rousseau marqua dans sa lettre que le secret qu’on demandoit étoit pour lui une circonstance très - agréable. Le consentement de Mylord Maréchal arriva, comme on se l’imagine bien ; M. Rousseau partit peu de jours après pour Wootton & cette affaire resta quelque tems suspendue, par un dérangement qui survint dans la santé du général Conway.

Cependant, le tems que j’avois passé avec M. Rousseau m’avoit mis à portée de démêler son caractere ; je commençois à craindre que l’inquiétude d’esprit qui lui est naturelle ne l’empêchât de jouir du repos, auquel l’hospitalité & la sureté qu’il trouvoit en Angleterre l’invitoient à se livrer : je voyois, avec une peine infinie, qu’il étoit né pour le tumulte & les orages, que le dégoût qui suit la jouissance paisible de la solitude & de la tranquillité, le rendroit bientôt à charge à lui-même & à tout ce qui l’environnoit ; mais, éloigné du lieu qu’il habitoit de cent cinquante milles, & sans cesse occupé des