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M. ROUSSEAU À M. HUME.

À Motiers -Travers le 19 Février 1763.

“Je n’ai reçu qu’ici, Monsieur, & depuis peu, la lettre dont vous m’honoriez à Londres, le 2 juillet dernier, supposant que j’étois dans cette capitale. C’étoit sans doute dans votre nation, & le plus près de vous qu’il m’eût été possible, que j’aurois cherché ma retraite, si j’avois prévus l’accueil qui m’attendoit dans ma patrie. Il n’y avoit qu’elle que je pusse préférer à l’Angleterre, & cette prévention, dont j’ai été trop puni, m’étoit alors bien pardonnable ; mais, à mon grand étonnement, & même à celui du public, je n’ai trouvé que des affronts & des outrages où j’espérois, sinon de la reconnoissance, au moins des consolations. Que de choses m’ont fait regretter l’asyle & l’hospitalité philosophique qui m’attendoient près de vous ! Toutefois mes malheurs m’en ont toujours rapproché en quelque maniere. La protection & les bontés de Mylord Maréchal, votre illustre & digne compatriote, m’ont fait trouver, pour ainsi dire, l’Ecosse au milieu de la Suisse ; il vous a rendu présent à nos entretiens ; il m’a fait faire avec vos vertus la connoissance que je n’avois faite encore qu’avec vos talens ; il m’a inspiré la plus tendre amitié-pour vous & le plus ardent desir d’obtenir la vôtre, avant que je susse que vous étiez disposé à me l’accorder. Jugez, quand je trouve ce penchant réciproque, combien j’aurois de plaisir à m’y livrer ! Non, Monsieur, je ne vous rendois que la