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liberté, & à s’y conduire avec ces graces & cette aisance qui caractérisent l’homme du monde & l’homme aimable. Pour cela, Monsieur, vous auriez la bonté de m’indiquer deux ou trois maisons où je pourrois le mener quelquefois par forme de délassement & de récompense ; il est vrai qu’ayant à corriger en moi-même les défauts que je cherche à prévenir en lui, je pourrois paroître peu propre à cet usage. C’est à vous Monsieur & à Madame sa mere à voir ce qui convient, & à vous donner la peine de le conduire quelquefois avec vous si vous jugez que cela lui fait plus avantageux. Il sera bon aussi que quand on aura du monde on le retienne dans la chambre, & qu’en l’interrogeant quelquefois & à propos sur les matieres de la conversation, on lui donne lieu de s’y mêler insensiblement. Mais il y a un point sur lequel je crains de ne me pas trouver tout-à-fait de votre sentiment. Quand M. de Ste. Marie se trouve en compagnie sous vos yeux, il badine & s’égaye autour de vous, & n’a des yeux que pour son papa ; tendresse bien flatteuse & bien aimable, mais s’il est contraint d’aborder une autre personne ou de lui parler, aussi-tôt il est décontenancé, il ne peut marcher ni dire un seul mot, ou bien il prend l’extrême & lâche quelque indiscrétion. Voilà qui est pardonnable à son âge mais enfin on grandit, & ce qui convenoit hier ne convient plus aujourd’hui, & j’ose dire qu’il n’apprendra jamais à se présenter, tant qu’il gardera ce défaut. La raison en est, qu’il n’est point en compagnie quoiqu’il y ait du monde autour de lui ; de peur d’être contraint de se gêner il affecte de ne voir personne, & le papa lui sert d’objet pour se distraire de tous les autres. Cette hardiesse forcée bien