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LETTRE DE M. ROUSSEAU AU PROFESSEUR DE MONTMOLLIN,

À Motiers, le 23 Décembre 1764.

“Plaignez- moi, Monsieur, d’aimer tant la paix, & d’avoir toujours la guerre. Je n’ai pu refuser à mes anciens compatriotes de prendre leur défense, comme ils avoient pris la mienne. C’est ce que je ne pouvois faire sans

repousser les outrages, dont par la plus noire ingratitude, les Ministres de Geneve ont eu la bassesse de m’accabler dans mes malheurs, & qu’ils ont osé porter jusques dans la Chaire sacrée, où ils sont indignes de monter. Puisqu’ils qu’ils aiment si fort la guerre, ils l’auront, & après mille agressions de leur part, voici mon premier acte d’hostilité, dans lequel toutefois je défends une de leurs plus grandes prérogatives, qu’ils se laissent lâchement enlever ; car pour insulter à leur aise au malheureux, ils rampent volontiers sous la tyrannie. La querelle au reste est tout-à-fait personnelle entr’eux & moi, ou si j’y fais entrer la religion protestante pour quelque chose, c’est comme son défenseur contre ceux qui veulent la renverser. Voyez mes raisons, Monsieur, & soyez persuadé que plus on me mettra dans la nécessité d’expliquer mes sentimens, plus il en résultera