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par une douce expérience, que certains doutes qu’il avoit se dissiperoient insensiblement ; qu’ayant l’esprit éclairé, & le cœur bon, l’ouvrage seroit bientôt couronné. Je lui parlai encore de son EMILE, & de la profession publique qu’il alloit faire du christianisme. Il me répondit qu’avec le tans on reviendroit des préjugés que l’on avoit pris contre lui. M. Rousseau communia le dimanche suivant avec une humilité & une dévotion qui édifia toute l’église, humilité profonde qui portoit avec elle le caractere de sincérité. Quoique l’incrédulité & la corruption soient presque parvenues à leur comble dans ce siecle, il y a cependant dans mon église des personnes éclairées & pieuses, qui se réjouirent & qui bénirent Dieu de cet acte religieux de M. Rousseau, qui s’est fait aimer & estimer dans ces cantons par sa douceur, son affabilité, sa modération, son silence, & ses aumônes, qu’il fait sans ostentation ; car quoiqu’il ne soit pas riche, ni près de là, à ce que je crois, il se rend recommandable par ce dernier endroit, & s’élargit beaucoup sans éclat, le jour qu’il communia.

Qu’auriez-vous fait, Monsieur & très-honoré Frere, à ma place ? Pour moi je vous proteste en bonne conscience, que j’aurois cru manquer à l’humanité, à la charité, au christianisme, & à devoir pastoral, si je me fusse refusé à l’instante demande de M. Rousseau. J’ai agi de bonne foi, parce que je crois que M. Rousseau a agi de bonne soi, & que comme la persuasion va par degrés, elle pourra atteindre à sa perfection. Il n’y a du reste que le Scrutateur des cœurs & des reins, qui puisse savoir si M. Rousseau est sincere. Je dois le penser par tous les signes extérieurs qu’il m’en a donnés, &