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qui lui seroient encore plus d’impression, & qui produiroient de meilleurs effets ; car dans un esprit aussi vif que le sien, l’idée des coups s’effacera aussi-tôt que la douleur, tandis que celle d’un mépris marqué, ou d’une privation sensible, y restera beaucoup plus long-tems.

Un maître doit être craint ; il faut pour cela que l’éleve soit bien convaincu qu’il est en droit de le punir : mais il doit sur-tout être aimé, & quel moyen à un gouverneur de se faire aimer d’un enfant à qui il n’a jamais à proposer que des occupations contraires à son goût, si d’ailleurs il n’a le pouvoir de lui accorder certaines petites douceurs de détail qui ne coûtent presque ni dépenses ni perte de tems, & qui ne laissent pas, étant ménagées à propos, d’être extrêmement sensibles à un enfant, & de l’attacher beaucoup à son maître. J’appuyerai peu sur cet article, parce qu’un pere peut sans inconvénient, se conserver le droit exclusif d’accorder des graces à son fils, pourvu qu’il y apporte les précautions suivantes, nécessaires sur-tout à M. de Ste. Marie dont la vivacité, & le penchant à la dissipation demandent plus de dépendance. 1°. Avant que de lui faire quelque cadeau, savoir secrétement du gouverneur s’il a lieu d’être satisfait de la conduite de l’enfant. 2°. Déclarer au jeune homme que quand il a quelque grace à demander, il doit le faire par la bouche de son gouverneur, & que s’il lui arrive de la demander de son chef, cela seul suffira pour l’en exclure. 3°. Prendre de-là occasion de reprocher quelquefois au gouverneur qu’il est trop bon, que son trop de facilité nuira au progrès de son éleve, & que c’est à sa prudence à lui de corriger ce qui