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mécontens de ceux qui ne purent y avoir part. Elle étoit d’ailleurs avantageuse à l’Auteur, à qui elle assuroit un état médiocre, mais suffisant à ses besoins & conforme ses desirs, & par là, sans doute, elle déplut à ses ennemis. C’est dans ces circonstances que parurent les Lettres écrites de la Montagne, ouvrage qui a servi de fondement ou de prétexte à la tracasserie dont je dois vous rendre compte. Vous savez, Monsieur, que ces Lettres reçues avec avidité, dévorées avec fureur, furent proscrites ou brûlées dans quelques Etats. Pour nous, nous demeurâmes tranquilles spectateurs de ces feux de joie, jusques à la fin de Février, que le zele de notre clergé, si long-tans assoupi, eut reçu tous les alimens nécessaires pour produire un embrasement. Alors la vénérable Classe (c’est le corps des Pasteurs de ce pays), dénonça au Gouvernement & au Magistrat municipal les Lettres Écrites de la Montagne, comme un ouvrage impie, abominable, &c. &c. en sollicita la proscription, ainsi que la suppression du consentement accordé pour l’édition projettée.

Cette démarche de la vénérable Classe contraste si singuliérement avec le silence qu’elle a gardé sur Emile *

[*Et sur la lettre à l’Archevêque de Paris. Il est vrai que cette lettre, non plus qu’Emile, n’attaquoit point le Clergé Protestant.] lorsqu’il parut, & que son Auteur fut admis à la communion, que l’on seroit tenté d’y soupçonner un intérêt personnel, si l’on ne savoit positivement que les membres de ce sacré College, les plus zélés à poursuivre la proscription des Lettres de la Montagne, étoient ceux précisément qui ne les avoient pas lues.

Le conseil d’Etat ne prit point feu sur ces especes de remontrances