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autre chose mesurer cette différence. Dans la première opération l’esprit est purement passif, mais dans l’autre il est actif. Celui qui a plus de justesse dans l’esprit, pour transporter par la pensée le pied sur la toise, & voir combien de fois il y est contenu, est celui qui en ce point a l’esprit la plus juste & juge le mieux. Et quant à la conclusion, "qu’en pareil cas juger n’est jamais, que sentir :” Rousseau soutient que c’est autre chose ; parce que la comparaison du jaune & du rouge n’est pas la sensation du jaune ni celle du rouge.

L’auteur se fait ensuite cette objection : " mais, dira-t-on, supposons qu’on veuille savoir si la force est préférable à la grandeur du corps, peut-on assurer qu’alors juger soit sentir ? oui, répondrai-je : car pour porter un jugement sur ce sujet, ma mémoire doit me tracer successivement les situations différentes où je puis me trouver le plus communément dans le cours de ma vie.” Comment, réplique à cela Rousseau ! la comparaison successive de mille idées est aussi un sentiment ? Il ne faut pas disputer des mots ; mais l’auteur se fait là un étrange dictionnaire.

Il se trouve quelques autres notes à ce chapitre premier de l’ouvrage de l’Esprit, dans lesquelles Rousseau accuse son auteur de raisonnemens sophistiques. Enfin Helvétius finit ainsi : “Mais, dira-t-on, comment jusqu’à ce jour a-t-on supposé en nous une faculté de juger distincte de la faculté de sentir ? l’on ne doit cette supposition, répondrai-je, l’impossibilité où l’on s’est cru jusqu’à présent d’exipliquer d’aucune autre manière certaines erreurs de l’esprit.”