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on seroit digne des éloges de M. Rousseau. Ne se lassera-t-on jamais d’invectiver les hommes ? Croira-t-on toujours les rendre plus vertueux, en leur : disant qu’ils n’ont point de vertu ? Sous prétexte d’épurer les mœurs, est-il permis d’en renverser les appuis ? Ô doux nœuds de la société, charmes des vrais Philosophes, aimables vertus ! c’est par vos propres attraits que vous régnez dans les cœurs : vous ne devez votre empire ni à l’âpreté stoïque, ni à des mœurs barbares, ni aux conseils d’une orgueilleuse rusticité.

M. Rousseau attribue à notre siecle des défauts & des vices qu’il n’a point, ou qu’il a de commun avec les nations qui ne sont pas policées ; & il en conclut que le sort des mœurs & de la probité a été régulièrement assujetti aux progrès des Sciences & des Arts. Laissons ces vagues imputations, & passons au fait.

Pour montrer que les Sciences ont corrompu les mœurs dans tous les tems, il dit que plusieurs peuples tomberent sous le joug, lorsqu’ils étoient les plus renommés par la culture des Sciences. On fait bien qu’elles ne rendent point invincibles ; s’en suit-il qu’elles corrompent les mœurs ? Par cette façon singuliere de raisonner, on pourroit conclure aussi que l’ignorance entraîne leur dépravation, puisqu’un grand nombre de nations barbares ont été subjuguées par des peuples amateurs des Beaux-Arts. Quand même on pourroit prouver par des faits, que la dissolution des mœurs a toujours régné avec les Sciences, il ne s’ensuivroit pas que le sort de la probité dépendit de leurs progrès. Lorsqu’une nation jouit d’une tranquille abondance, elle se porte ordinairement